Petit Canard No110
2022 Décembre

LE MOT DU PRÉSIDENT
Qui aurait pu imaginer que le contexte géopolitique devienne une menace imminente pour l'intégrité de nos montagnes? Un projet pharaonique, imaginant couvrir de panneaux solaires le Breithorn, culminant à 2'600 m au-dessus de Grengiols, pourrait passer outre tous les garde-fous par une loi urgente. La peur de manquer d'électricité nous aurait rendus inconscients? Il s'agit pourtant d'une montagne abritant une biodiversité alpine unique, aussi bien du point de vue de la botanique que pour l'entomofaune, l'avifaune et les mammifères: Gypaète barbu, Aigle royal, Lagopède alpin, Perdrix bartavelle, Crave à bec rouge y vivent toute l'année et d'autres migrateurs rares dont le Pluvier guignard y font escale. La colonie de Marmottes y est très importante et constitue une ressource indispensable à l'Aigle royal notamment.
Drôle de paradoxe: sous couvert de transition énergétique afin de ralentir le réchauffement climatique, qui nuit aux espèces alpines notamment, l'idée est de détruire leur habitat! N'oublions pas que les premières causes de disparition des espèces végétales et animales sont la destruction des habitats, particulièrement par l'agriculture et la sylviculture intensives et l'urbanisation croissante, ainsi que les persécutions directes. Au regard de ces menaces qui impactent toujours plus gravement les oiseaux, le réchauffement climatique est une préoccupation secondaire. Ce réchauffement climatique profite en tout cas à plusieurs espèces méditerranéennes en limite nord de leur aire de reproduction, comme la Cisticole des joncs et le Circaète Jean-le-Blanc, deux espèces aux extrêmes opposées du point de vue de leur taille qui se sont implantées dans la basse plaine du Rhône du Chablais VD/VS. En 2022, trois couples de Cisticole y ont niché entre juin et septembre, et le premier jeune Circaète vaudois est resté à proximité du nid jusqu'au 2 octobre.
Un autre Circaète recueilli affaibli en juin 2020 à Apples et soigné à la Vaux-Lierre par Damien Juat, et muni d'une balise par Adrian Aebischer, en collaboration avec la Station ornithologique suisse, a fourni d'intéressantes informations quant à ses déplacements: il a passé les deux hivers suivants (2020-21 et 2021-22) dans le même site du delta intérieur du Niger au Mali et les deux étés suivants dans le Loir et Cher en France (voir cartes ci-après). Il s'agit d'une première à tout point de vue: premier Circaète bagué en Suisse et muni d'une balise, premiers trajets connus sur une telle durée pour l'espèce. Cet oiseau a par exemple parcouru 750 km du 28 au 30 août 2022, entre l'Andalousie et l'Atlas marocain!
Pour le comité du COL
Lionel Maumary
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