L'île aux oiseaux à Préverenges: Historique

Groupe « île aux oiseaux de Préverenges »

Située au coude nord du Léman, la baie de Préverenges fonctionne comme un butoir pour les oiseaux migrateurs arrivant du lac au printemps, revenus d’Afrique et en route pour leurs lointains quartiers d’été dans la toundra arctique.

Plus de 230 espèces - des plus communes aux plus rares - dont 60 de limicoles et laridés, y ont été identifiées à ce jour, ce qui en fait un des hauts lieux de l’ornithologie helvétique. Les hauts-fonds exondés au printemps près de l’embouchure de la Venoge attirent un grand nombre de petits échassiers (limicoles), mouettes, goélands et sternes (laridés), tentés de faire escale pour se reposer et se nourrir avant de continuer leur voyage long de plusieurs milliers de kilomètres.

Les longues pattes et le bec effilé des limicoles sont une adaptation exclusive aux vasières peu profondes qu’ils doivent impérativement trouver sur leur chemin afin de reconstituer leurs réserves d’énergie. Malheureusement, les rivages naturels ont pratiquement disparu avec l’urbanisation croissante. Les grèves de Préverenges ne sont exondées qu’une partie du printemps et n’offrent aucune possibilité d’escale pendant la migration d’automne. De plus, les dérangements fréquents dus notamment aux chiens non tenus en laisse perturbent sans cesse les oiseaux.

Face à cette situation, le Cercle ornithologique de Lausanne (COL), en collaboration avec Pro Natura Vaud et le Groupe ornithologique et des sciences naturelles de Morges et environs (GOS), a élaboré un projet d’île aux oiseaux à l’embouchure de la Venoge. Cette île, située à une centaine de mètres de la rive, est composée d’un enrochement en forme d’arc abritant un banc de sable et de gravier. Etant exondée en toute saison, elle offre une capacité d’accueil optimale pour les migrateurs. Un îlot est dévolu à la nidification de la Sterne pierregarin.

Cette île constitue un attrait pour les promeneurs qui peuvent observer à loisir ces voyageurs fascinants. Des panneaux d’information pour le public ont été mis en place sur le rivage en 1996, permettant l’identification des nombreuses espèces présentes au printemps et en hiver.

Le projet est soutenu financièrement par la Confédération, le canton de Vaud, les communes riveraines concernées ainsi que par des associations de protection de la nature, des entreprises et des privés . Le coût total du projet est de 550'000.-

Lionel Maumary, Michel Baudraz et Laurent Vallotton


Principaux concepts de l'île aux oiseaux:

  • Empêcher l'accès aux prédateurs, aux chiens et aux promeneurs en éloignant suffisamment l'île du rivage, quel que soit le niveau du lac. Cette condition est impérative pour que des oiseaux farouches puissent se sentir en sécurité
  • Choisir une distance au rivage adéquate garantissant la tranquillité des oiseaux et permettant leur observation dans de bonnes conditions. Etant donné le nombre croissant d'observateurs équipés de jumelles et de télescopes, l'aspect pédagogique du projet ne doit pas être négligé et rester en accord avec la volonté de la commune de Préverenges, qui avait déjà proposé la pose de panneaux didactiques à cet endroit
  • Trouver une zone stable et peu profonde de manière à limiter la quantité de matériaux qui doivent être apportés et diminuer le coût du projet. La zone d'implantation de l'île a été choisie sur un socle de molasse affleurante qui s'étend sur plus d'une centaine de mètres au large sable, graviers ou rochers.
  • Dossier complet de l'île en PDF
  • Article paru le 13 juin 2002 dans le 24 heures.
  • Article paru dans la revue ORNIS d'août 2002.

  • Observations:

    Après de nombreuses années de persévérance, les travaux de réalisation de l'île aux oiseaux de Préverenges se sont achevésau mois de juillet 2002. Dès le printemps 2002, se sont succédés une très grande variété d'oiseaux d'eau migrateurs, pour le plus grand bonheur des ornithologues de la région qui se sont montrés très nombreux.

    D'ores et déjà, on peut dire que l'île remplit parfaitement sa fonction. Les migrateurs s'arrêtent volontiers sur l'île, sécurisés par la présence d'autres oiseaux et la distance qui sépare cet ouvrage du rivage. Auparavant, la plupart se contentaient de survoler le site, n'y trouvant pas la tranquillité nécessaire pour oser s'y poser, et poursuivaient leur migration.

    En début du printemps 2002, les limicoles préféraient se nourrir sur le rivage car l'île, encore " neuve " n'offrait que très peu de nourriture. Ils utilisaient donc l'île pour passer la nuit ou se reposer en cours de journée. Par la suite, l'île s'est enrichie en nourriture grâce aux matériaux organiques déposés par les courants.

    Voici quelques observations du printemps 2002, qui donneront probablement l'envie de s'y rendre aux observateurs qui ne sont pas encore allés avec leurs jumelles sur ce site :

    • durant le mois de janvier, un petit groupe de Courlis cendrés comptant jusqu'à 15 individus venait dormir sur l'île. Ils se nourrissaient principalement sur la rive française dans la région de Sciez durant la journée. Ainsi, ils parcouraient chaque jour plus de 50km pour se rendre jusqu'à l'île.
    • à partir du 1er mars et jusqu'au 6 juin au moins, il n'y a pas eu un seul jour sans observation de limicole.
    • sur les 34 espèces de limicoles observés depuis la fin du siècle passé, 27 l'ont été en 2002.
    • cette année a été l'année de plusieurs records : par exemple celui du plus grand nombre de limicoles observés au printemps (alors que ce n'était pas une année de particulièrement basses eaux), celui du plus grand groupe de Bécasseaux sanderlings observés en Suisse (32 individus étaient présents entre le 2 et le 5 mai, alors que le plus grand groupe jamais observé dans notre pays auparavant était de 17 individus) ou encore les 44 Courlis corlieux qui étaient présents le 14 avril.
    • plusieurs espèces rares ont été observées comme la Glaréole à collier qui a séjourné pendant 3 jours au début du mois de mai (alors qu'une seule observation avait été effectuée sur le site en 1971) ou les Sternes caugek, hansel et caspienne.
    • le 2 mai a été une journée exceptionnelle puisque 110 limicoles étaient présents sur l'île sous une pluie battante, dont 43 Chevaliers aboyeurs, 19 Grands Gravelots et 7 Tounepierres.

    Les observations effectuées lors de la migration automnale (juillet à octobre) montrent que l'île est également très fréquentée par les limicole lors de leur retour vers leurs quartiers d'hiver africains. En effet, en 2002, les observations automnales totalisent près de la moitié des observations printanières, soit près de 750 données (limicoles/jour). Ce résultat très encourageant est la preuve qu'il était indispensable de réaliser une île à l'embouchure de la Venoge.

    Les ornithologues sont maintenant assurés d'y faire de belles observations tout au long de l'année.


    Financement:

    La réalisation de l'île n'aurait sans doute pas été possible sans l'impulsion initiale qu'a représenté la subvention versée par l'OFEFP dans le cadre de l'Année européenne pour la conservation de la nature 1995 (AECN95). De nombreux parrains de tous horizons sont venus s'ajouter pour permettre le financement complet des travaux.

    Le produit de la vente des cassettes du film "La migration des oiseaux à Préverenges" ainsi que des affiches "Les oiseaux migrateurs à Préverenges" a été intégralement versé au profit de l'île aux oiseaux.

    Toutes les tâches des membres du Groupe "Ile aux oiseaux" (conception de l'île, élaboration des plans, relevés topographiques, publicité, tournage de film, graphisme, coordination etsuivi des travaux, administration, études ornithologiques) ont été réalisées bénévolement.

    Liste des sponsors principaux:
    • Fondation MAVA
    • Fondation Ellis Elliot
    • Mme Bauer-Lasserre
    • Année européenne pour la conservation de la Nature (AECN 95, Confédération)
    • Loterie romande
    • Fondation Hans Wilsdorf (Montres Rolex)
    • Pro Natura Vaud
    • Société Nos Oiseaux
    • Association suisse pour la protection des oiseaux (ASPO)
    • In memoriam Larry Bigelow
    • Fonds suisse pour le Paysage (Confédération)
    • Centre de conservation de la Faune et de la Nature (Etat de Vaud)
    • WWF suisse
    • Société protectrice des animaux (SPA)
    • Pour-cent culturel Migros
    • Novartis
    • Commune de St-Sulpice
    • WWF Vaud
    • Le Retraites populaires
    • Cercle ornithologique de Lausanne (COL)

    Pour soutenir le projet :

    • “ Île aux Oiseaux à Préverenges ”
    • Compte BCV n° 956.04.24
    • CCP 10-725-4
    • 1002 Lausanne

    Faire un don

    Pour tout renseignement :

    • Cercle ornithologique de Lausanne
    • c/o Lionel Maumary
    • Praz-Séchaud 40
    • CH-1010 Lausanne

    Historique:

    L'idée de la création d'une île permettant d'optimiser la capacité d'accueil pour les limicoles migrateurs a germé dès 1984, année du premier suivi complet de la migration printanière (Duperrex 1990). Une esquisse de projet, présentée en 1986 par L. Maumary et H. Duperrex au Centre de conservation de la faune et de la nature du canton de Vaud, n'a cependant pas obtenu le soutien du Conservateur de la faune d'alors, jugeant que le projet nuirait à l'esthétique des rives.

    Le projet est donc resté en veilleuse durant une décennie, pendant que les recensements systématiques et la pose de panneaux provisoires d'information au public se poursuivaient chaque printemps. En 1995, Année européenne de la conservation de la nature (AECN 95), un dossier a été soumis par L. Maumary, L. Vallotton et M. Baudraz dans le cadre d'un concours organisé par l'Office fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).

    Ce projet prévoyait dans un premier temps la création de panneaux synoptiques permettant de sensibiliser le grand public à la problématique des oiseaux migrateurs, puis dans un deuxième temps la création d'une île au large de la plage de Préverenges. Dès 1997, la sélection de ce projet par l'OFEFP, assortie d'une promesse de subvention de CHF 61'200.-, a constitué le déclic pour une procédure élargie de recherche de fonds et le début des démarches administratives.

    Après plusieurs années de démarches administratives, les travaux - retardés par des oppositions de principe - ont enfin pu commencer en octobre 2001 et se sont terminés en juillet 2002. Deux films de la construction de l™île ont été réalisés par A. Genton et L. Varidel.


    Récapitulation des principales étapes:

    • 1984 - 1995 - Douze années d'études scientifiques sur la migration des oiseaux à l'embouchure de la Venoge, aboutissant à la conception du projet d'île aux oiseaux.
    • Septembre 1995 - Demande d'octroi de subvention auprès de l'AECN 95 sur la base d'une estimation du coût total du projet de CHF 200'000.
    • Mars 1996 - Inauguration officielle des panneaux d'information pour le public en présence de 110 personnes.
    • Mai 1996 - Préavis favorables de l'ensemble des services cantonaux auxquels le projet est présenté.
    • Novembre 1996 - Présentation du projet au colloque interrégional d'ornithologie de Neuchâtel.
    • Septembre 1997 - Parution dans la revue Nos Oiseaux de l'article de synthèse de l'ensemble des observations ornithologiques à l'embouchure de la Venoge de 1950 à 1996.
    • 17 novembre 1997 - Octroi d'une subvention de 61'200.- par l'AECN 95. Cette première promesse de don constitue le départ officiel des démarches visant à la réalisation du projet. Création du Groupe " Ile aux oiseaux".
    • Mars 1998 - Elaboration du projet définitif et estimation financière à 460'000.-
    • Avril - mai 1998 - Tournage d'un film présentant le projet et les oiseaux migrateurs à l'embouchure de la Venoge.
    • 1 mai 1998 - Lancement de la première campagne de recherche de fonds auprès de 20 sponsors susceptibles d'être intéressés par le projet.
    • Juillet - août 1998 - Montage du film de L. Maumary " La Migration des oiseaux à Préverenges".
    • Septembre 1998 - avril 1999 - Huit projections du film dans les communes de la région concernée par le projet.
    • 14 septembre 1998 - Présentation du projet définitif à la municipalité de la commune de Préverenges.
    • 8 novembre 1998 - Mise en soumission du projet auprès de 7 grandes entreprises de génie civil de la région. L'offre la plus avantageuse est celle de la Sagrave.
    • Fin novembre 1998 - Réalisation d'un photomontage du projet pour évaluer son impact visuel depuis le rivage.
    • Janvier - juillet 1999 - Parution d'environ 20 articles sur le projet dans les différents journaux et revues régionaux et nationaux.
    • Mars 1999 - Réalisation par un géomètre du plan cadastral du projet.
    • 6 - 26 avril 1999 - Mise à l'enquête du projet. Opposition de quelques riverains.
    • 30 avril 1999 - La commune de Préverenges donne un préavis favorable au projet et propose au Service des Eaux, Sols et Assainissement (SESA) de lever les oppositions.
    • Août 1999 - Fin de la campagne de recherche de fonds. La somme totale de 460'000.- est réunie sous forme de dons ou de promesses de dons.
    • Septembre 1999 - Recours des opposants contre la décision du SESA de lever les oppositions. Début de la procédure au Tribunal administratif.
    • 26 juillet 2000 - Correspondance de Me. Trivelli, avocat du Groupe "Ile aux oiseaux", pour enter d'accélérer la décision du Tribunal administratif et permettre la réalisation des travaux en automne 2000.
    • 31 octobre 2000 - Arrêt du Tribunal administratif déboutant les opposants au projet.
    • 1er décembre 2000 - Fin du délai de recours. Les opposants renoncent à poursuivre leurs démarches. Le permis de construire est délivré. Les travaux doivent être reportés à l'automne 2001.
    • 26 avril 2003 - Inauguration officielle de l'île.

    Insula lemanica avium

    Au Léman des oiseaux s'ajoute désormais une île pour les oiseaux. C'est un évènement riche en singularités et significations. Notre lac ne compte que fort peu d'îles, qui sont à vrai dire de minuscules îlots édifiés pour des motifs aujourd'hui obscurs. On se dit qu'il a fallu un levier puissant pour faire surgir des eaux de Préverenges un refuge lacustre consacré aux oiseaux migrateurs. L'idée semble sans doute farfelue - et pourtant elle a su passer du rêve utopique à la planification technique et financière ; elle a pénétré les redoutables méandres des administrations, elle a décroché les autorisations et les subsides…Tel est le pouvoir magique des oiseaux, tel est le charme exquis de l'utopie.

    ('Lionel Maumary - \rMichel Baudraz - \rLaurent Vallotton\r')

    Ceux qui en savent le plus sur cet ensorcellement, ce sont ces singuliers voyeurs d'oiseaux qui rôdent dès potron-minet le long des rivages. Le phénomène n'est pas récent : depuis bien plus d'un siècle, des amateurs d'ornithologie hantent les bords de ce lac en guettant les envols et les appels des hôtes de passage, en scrutant les eaux lointaines où peuvent surgir d'énigmatiques silhouettes…La passion des découvertes lie ces observateurs au fascinant cortège des voyageurs ailés. Cette passion s'affine au contact de la connaissance scientifique ; elle déborde sur toute la nature. De sa ferveur naît un regard particulier sur le monde.

    De la jeune génération de ces naturalistes de terrain sont issus les créateurs et réalisateurs de l'île des oiseaux. Leur vision, leur énergie persévérante et leur motivation méritent notre respect. Leur réussite promet de beaux moments, non seulement aux ornithologues chevronnés mais aussi aux curieux que cette île insolite attirera.

    Bien que je ne sois pas en mesure de participer à la fête, à mon vif regret, je félicite de tout cœur tous ceux qui se sont dévoués à faire naître l'île des oiseaux. Celle-ci, en toute modestie, offre déjà un point de repos bienvenu à des hôtes que nous avons la joie de reconnaître grâce aux lentilles des jumelles et longues-vues. Venez donc, chevaliers, courlis et bécasseaux, échasses et avocettes. Et vous, les goélands, mouettes et sternes gracieuses, prenez là du bon temps…Tous les hérons sont invités - et bien sûr les sémillantes bergeronnettes et tous les menus passereaux lassés du long voyage. Que vous trouviez sur cet îlot le réconfort - tel est le vœu de vos amis. Votre plaisir sera le nôtre !

    Paul Géroudet, 18/19 avril 2003