Conservation du Martinet alpin au Château Saint-Maire
Rapport intermédiaire 2016
Résumé
Depuis le printemps 2016, le Château St-Maire à Lausanne fait l'objet d'une restauration complète, ses façades notamment étant fortement dégradées. Ces travaux, qui comprennent des interventions sur les façades, privilégiant les techniques de conservation et la consolidation de la pierre, dureront jusqu'à fin 2017. Afin d'éviter la désertion de la colonie de Martinets alpins du château pendant les travaux, les accès aux sites de nidification ont été garantis par l'ouverture des échafaudages dans les 4 tourelles d’angle. Après une courte phase d'adaptation, les martinets se sont bien accoutumés aux échafaudages et la nidification s'est déroulée sans problème particulier pour la vingtaine de couples qui se sont installés dans les mâchicoulis. Un adulte, bagué comme poussin en 2009 à l'église Saint-François, est toutefois mort dans les filets de protection des échafaudages, il est probable qu’il fasse partie de la petite minorité des couples qui ne se reproduisaient pas dans les tourelles, mais dans des trous de boulins situés en pleine paroi. Comme chaque année, de nombreux jeunes tombent au sol en raison de la position des nids au-dessus du vide. Cette situation sera améliorée par l'amélioration/aménagement de 40 cavités/nichoirs pendant l'hiver 2016-17.
Contexte du projet
Le Château St-Maire est l'un des 5 bâtiments anciens hébergeant une colonie de Martinets alpins dans le chef-lieu vaudois. Les 15 couples (au moins) du Château constituent env. 25 % de la population lausannoise de cet oiseau (env. 60 couples) qui atteint en Suisse la limite nord de son aire de nidification. La colonisation des bâtiments est une adaptation relativement récente (milieu du XXe siècle à Lausanne et XVIIIe siècle pour les villes sub-jurassiennes et du centre du Plateau) chez cette espèce qui nichait à l'origine dans les grandes falaises naturelles du pourtour méditerranéen et des Alpes. La colonisation des bâtiments est relativement lente et se maintient surtout par la fidélité des couples à leur site de reproduction. En effet, ces oiseaux qui peuvent vivre jusqu'à 27 ans reviennent chaque année se reproduire dans le même nid. Des travaux similaires menés à l'église St-François dans les années 90 avaient provoqué l'abandon temporaire de la colonie et il a fallu une vingtaine d'année pour que la colonie y retrouve ses effectifs d'autrefois. La conservation de la colonie du Château St-Maire pendant et après la phase des travaux est donc un objectif prioritaire. Les façades du Château St-Maire vont être entièrement restaurées de 2016 à fin 2017. Pendant ces 2 ans, la plus grande partie du château sera entourée d'un échafaudage qui risquerait de provoquer l'abandon de la colonie. La DGE (Direction générale de l’environnement) a demandé la participation de deux biologistes, ornithologues et spécialistes des martinets, auprès du groupe de travail des architectes en charge de la rénovation, ceci afin de mettre en œuvre des mesures de limitation des impacts pendant les travaux, puis l’amélioration/aménagement des sites de nidification en cavités/nichoirs définitifs sécurisés. Il sera ainsi possible d'améliorer la situation initiale pour les Martinets alpins car certains accès étaient problématiques et d’autres étaient limités par des treillis notamment. Il s'agira pendant la phase des travaux de garantir l'accès des Martinets alpins à la plupart des sites de nidification actuels du château. Dans un deuxième temps, le but est d'optimiser les accès et possibilités de nidification pour les martinets (tout en empêchant l'accès aux Pigeons bisets domestiques) dans le futur. Des relevés seront effectués après la fin des travaux, soit en 2018, afin d'attester de l'efficacité des mesures de conservation.
Déroulement de la nidification en 2016
Le 23 mars, nous avons pu constater que les 4 tourelles où nichent les Martinets alpins avaient été dégagées selon nos recommandations. Les premiers Martinets alpins sont arrivés le 28 mars à Lausanne, et sont installés le même jour au Château St-Maire. Le 30 mars, un adulte pris dans les filets des échafaudages (portant la bague F-59452) n'a malheureusement pas pu être sauvé. Cet oiseau avait été bagué comme poussin le 17.7.2009 à l'église St-François. Les jours suivants, plusieurs adultes se sont pris dans les filets des échafaudages et ont pu être dégagés à temps, grâce à la surveillance permanente d'Anne Combremont, dont l'appartement fait face au Château St-Maire. Bien qu'un adulte ait encore dû être dégagé fin juillet, la plupart d'entre eux se sont bien adaptés à la proximité des filets et environ 20 couples se sont installés.
Fig. 1. Les 4 tourelles ont été dégagées des filets de protection avant l'arrivée des Martinets alpins. 23 mars 2016. L. MaumaryDès le mois de juillet, une dizaine d'interventions - parfois rocambolesques où nous avons dû justifier notre présence auprès de la police - ont permis de dégager des filets autant de jeunes tombés du nid et replacés dans des "familles d'accueil" à l'église St-François, où les nids sont accessibles. L'un d'eux est toutefois mort car tombé sur la route. Un individu de 2e année, dont l'âge a pu être déterminé grâce à la mue du plumage, a pu être libéré le 1er août. A noter l’excellent état d’esprit et la réactivité des travailleurs des entreprises de rénovation : par exemple, le 5 août, une « écharpe » de 10 m de long sur 1m50 de large (tissu de protection) s’était détachée des échafaudages à cause des orages et gênait les accès aux nids, sur notre demande, un responsable de chantier a envoyé un ouvrier régler le problème dans les secondes qui suivirent. Les oiseaux de la colonie sont revenus dormir tous les soirs dans la colonie jusqu'au 30 septembre. Les échafaudages ont pu être remontés autour des tourelles afin d'y reprendre les travaux de rénovation dès le 3 octobre.
Recommandations pour améliorer la situation de la colonie
Avant le retrait des échafaudages, il sera donc très important de sécuriser les nids des martinets afin qu'ils cessent de tomber au sol. En effet, les nids sont situés directement au-dessus du vide et de nombreux jeunes tombent avant de pouvoir voler. La plupart des jeunes Martinets alpins qui parviennent dans les centres de soins proviennent d'ailleurs du Château St-Maire. Cette situation n'est pas nouvelle et la rénovation des façades du château est l'occasion unique d'y remédier. En accord avec le bureau d'architectes Glatz & Delachaux SA, 40 cavités seront aménagées pendant l'hiver 2016-17, par la fixation de 32 planches dans les mâchicoulis des tourelles et 8 dans les mâchicoulis du chemin de ronde (répartis sur les 4 façades). Quelques trous de boulin situés en pleine paroi seront réaménagés pour les Martinets alpins tout en empêchant l'accès aux Pigeons bisets domestiques. Les emplacements des nichoirs ont été définis lors d'une séance sur place le 2 décembre 2016. Les échafaudages des tourelles seront définitivement enlevés en mars 2017, avant l'arrivée des Martinets alpins.
Fig. 2. Situation des 40 nichoirs à Martinets alpins qui seront construits dans les mâchicoulis pendant l'hiver 2016-17. Glatz & Delachaux SA.Planification de la suite des travaux
Le programme des travaux a été raccourci par rapport aux prévisions initiales :
- travaux sur les tourelles hivers 2016-2017
- démontage des échafaudages des tourelles mars 2017
- démontage général des échafaudages automne 2017
- fin des travaux extérieurs fin 2017
- finitions intérieures jusqu'à fin février 2018
- mise en service et réglages mars 2018
- inauguration 14 avril 2018
- retour des activités dans le Château St-Maire fin avril 2018
Remerciements
Nous aimerions remercier tous les intervenants dans ce projet de conservation de la colonie de Martinets alpins au Château St-Maire. Une vingtaine de couples se sont installés malgré la présence des échafaudages. On l’a vu, la collaboration avec les responsables du chantier fonctionne parfaitement. Il ne faut cependant pas oublier que la nidification des martinets ne se passe pas sans problèmes et qu'une surveillance quasi quotidienne est nécessaire, surtout depuis la sortie des jeunes du nid. Dans ce contexte, la vigilance d'Anne Combremont, habitant juste en face de la colonie, a joué un rôle déterminant.
Lionel Maumary
Biologiste ornithologue
Président du Cercle ornithologique de Lausanne:
Cercle ornithologique de Lausanne
c/o Lionel Maumary
Praz-Séchaud 40
1010 Lausanne
Bernard Genton
Ornithologue, spécialiste des martinets
Ch. de la Sittelle 12
1173 Féchy
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